Présentation du producteur : Le présent inventaire décrit le fonds d'archives de la ville de Thônes, rassemblant les privilèges et les titres de la communauté d'habitants, mais également des archives seigneuriales et familiales.
Ces archives sont entrées par voie de dépôt dans les années 1960. Elles couvrent une période remarquable pour un fonds communal, allant de la fin du XIIIe siècle à la première moitié du XIXe siècle et représentent une volumétrie de 7 ml après traitement archivistique.
Au cœur du massif des Aravis, la ville de Thônes est située au confluent du Fier et du Nom. Elle se distingue par sa riche histoire et sa communauté d'habitants prospère, à laquelle les comtes de Genève octroient en 1350 une charte de franchise. La communauté, convoquée par le châtelain, désigne ses représentants, quatre prud'hommes ou syndics choisis annuellement parmi les bourgeois de la ville, lesquels, réunis périodiquement au son de la cloche dans la maison de ville, délibèrent des affaires communes. Des changements interviennent jusqu'au XVIIIe siècle, portant essentiellement sur le nombre de syndics et leur durée d'exercice.
Implantée au sein de la seigneurie de la Val des Clefs, Thônes profite du déclin de la ville éponyme et du partage de celle-ci entre plusieurs co-seigneurs pour s'affirmer comme un lieu de carrefour commercial important, notamment grâce à son marché. Le document le plus ancien des archives communales est une sentence prononcée en 1295 par le juge du comte de Genève portant exemption de la levée des langues des bêtes abattues à Thônes ; l'exemption d'un tel droit seigneurial est une mention a silentio de la tenue d'un marché. En 1312, le comte Guillaume III concède à la ville la permission d'organiser un marché hebdomadaire chaque mercredi. Quelques années plus tard, la charte de franchises octroie aux bourgeois une nouvelle foire dont la date est fixée au dimanche après la Saint-Martin d'Hiver et la durée à deux jours. S'ajouteront une troisième foire à partir de 1546 et même une quatrième en 1740.
Dynamique économiquement, la ville apparaît également comme un centre administratif majeur dès le Moyen Âge. Elle est le siège d'une châtellenie, entité territoriale de base du comté de Genève, puis du comté de Savoie à partir de 1401, administrée par un agent comtal, le châtelain, exerçant des fonctions militaires, administratives, économiques et judiciaires. Ce système s'est maintenu jusque dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Dans le cadre d'une vague d'aliénations du domaine ducal décrétée par l'édit du 19 novembre 1680, le duc Victor-Amédée II inféode en 1681 à Joseph de Valpergue, chevalier à la Chambre des comptes, le mandement de Thônes avec l'ensemble de ses droits, et l'élève au rang de marquisat. Le marquis, nouvellement installé, entend rétablir les droits seigneuriaux tombés peu à peu en désuétude à Thônes. Son installation et son entreprise rencontrent rapidement l'hostilité de la communauté d'habitants. Les tensions vont croissantes, la cohabitation finit souvent en injures ou menaces, et aboutit à de longs et coûteux procès.
Parmi les grands chantiers entrepris par les syndics, le plus important est probablement la construction de l'église Saint-Maurice entre 1687 et 1700, dont l'achèvement n'est réellement effectif qu'avec la réalisation du retable du maître autel à la fin des années 1740.
Une léproserie est attestée dès 1333, et compte parmi les plus anciens établissements de ce type de l'actuel département de Haute-Savoie. Installée au hameau de Tronchine, la léproserie accueille les malades, notamment ceux atteints de la lèpre, les nécessiteux, les pèlerins, les vieillards, les infirmes et les incurables.
En 1411, un dénommé Jean Missillier, maréchal-ferrant originaire du Grand-Bornand, donne à la communauté d'habitants de Thônes et à la confrérie du Saint-Esprit sa maison située au centre de la ville, bientôt complétée par l'acquisition d'une habitation voisine, dans le but d'y établir un hospice. Vivant essentiellement de servis et de rentes, cet établissement, dont la chapelle est dédiée à saint Sébastien, est dirigé par un recteur qui rend ses comptes annuellement aux syndics. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la gestion de l'établissement est confiée à une commission composée du Maire, de deux membres élus par le Conseil municipal et de quatre membres nommés par le Préfet, et la direction est exercée par les sœurs de Saint-Joseph.
La ville possède plusieurs établissements d'enseignement à une époque reculée. En 1389, maître Amédée est ainsi qualifié de rector scholarum Thoni. La fondation d'un collège en 1670 par Révérend Jacques Avrillion impulse un nouvel élan à l'instruction de la jeunesse.
La ville n'est pas épargnée par les épidémies de peste, comme en témoigne une délibération du Conseil municipal de septembre 1571 prescrivant l'annulation de la foire de Thônes en raison des dangers de contagion. Les inondations, dévastant les rues de la ville, n'y sont pas rares, et obligent la communauté à entretenir régulièrement les ponts, les digues et les chemins. La ville subit aussi des incendies à l'image de celui qui l'a ravagée en 1453. Elle souffre enfin du passage des gens de guerre qui occasionnent d'importants frais, laissant la paroisse au bord de l'épuisement : en 1632, deux représentants sont élus afin d'obtenir une indemnisation des dépenses éprouvées pour le logement des troupes du seigneur de Châtillon.
Historique de la conservation : Les lieux de conservation ne sont guère connus avant une période tardive à l'exception peut être de celui des archives de l'hôpital qui sont rassemblées en 1448 dans le chœur de la chapelle dudit établissement. La rédaction d'inventaires, dont le plus ancien remonte à 1547, témoigne de l'intérêt et du soin apportés par la communauté d'habitants à la bonne gestion de ses papiers. Pour autant qu'on puisse en juger, les titres ont été relativement bien préservés des vicissitudes du temps, et ce malgré un incendie, mentionné dans une délibération de 1784, qui a touché « les archives de la communauté renfermées dans une maison particulière ».
Une délibération de janvier 1786 signale ainsi un conseiller chargé de la garde des archives de la ville. En septembre de la même année, le Conseil de ville autorise l'ouverture par un serrurier du local des archives dont la clef était en possession du syndic qui en refusait la communication. Un mois plus tard (octobre 1786), une commission est donnée au substitut du procureur du Sénat afin de procéder à la rédaction d'un nouvel inventaire des archives de la ville, bientôt complété par celui des terriers en mars 1789. Les inventaires des archives révolutionnaires et modernes font l'objet de mises à jour régulières jusque dans les années 1840.
Vers 1895, le maire de Thônes communique à Max BRUCHET, archiviste départemental, les plus anciens registres de délibérations – couvrant la période 1562-1792 –, communication qui aboutit à la rédaction d'un inventaire très détaillé. Dans la première moitié du XXe siècle, le chanoine et érudit local François POCHAT-BARON accède au fonds communal pour se lancer dans son classement et dans une vaste entreprise de synthèse historique : l'ouvrage qu'il en a tiré, très documenté, atteste de la bonne conservation des titres et des papiers de la ville. En 1927, Robert AVEZOU note que les archives anciennes sont conservées dans une salle « isolée par une porte de fer, non classées encore mais commodément réparties et étiquetées ».
Certaines pièces ont malheureusement été perdues ou détruites dans les années 1960, suite au nettoyage des combles de la mairie. Un particulier a toutefois découvert fortuitement chez un ferrailleur des Clefs, des papiers intéressant l'histoire de Thônes, et plus particulièrement une charte de confirmation des franchises datant de 1464. Ces précieux documents ont été restitués à la ville, puis déposés au musée municipal où ils se trouvent encore.
Au même moment, intervient le dépôt des archives aux Archives départementales. Les documents médiévaux et modernes, qui devaient composer la série AA (actes constitutifs et politiques de la commune), sont demeurés à Thônes et sont désormais présentés au musée municipal. D'autres, comme les registres de délibérations de la période 1562-1858, ont été au préalable microfilmés, puis rendus à la commune entre 1986-1990. À l'exception de ce reliquat les archives antérieures à 1792 sont décrites dans le présent inventaire.
Bibliographie : Lorsque le document est disponible dans la bibliothèque des Archives départementales, sa cote est indiquée entre crochets.
Généralités
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