Présentation du contenu : Les documents subsistants conservés, à l'exception toutefois des dossiers du service de renseignements (23 J 59 et suivants) et du service de la propagande (23 J 68 et suivants), donnent une image plutôt débonnaire de ce que fut, dans le cadre de la "Révolution nationale", l'action de la Légion de Haute-Savoie. Les affaires touchant à l'organisation corporative des professions, spécialement dans le domaine agricole, et à l'application de la "Charte du travail", y sont particulièrement étoffées (il faut noter que Charles Falzone, qui, en qualité d'inspecteur général des "Groupée légionnaires d'entreprises" à Vichy, fut l'un des principaux animateurs, au niveau surtout de la formation des cadres, du mouvement corporatiste, avait été, dès 1941, le premier délégué des G.L.E. de Haute-Savoie en même temps que responsable départemental du service de la presse). Mais c'est sans aucun doute l'action sociale de la Légion qui, sous l'égide des "Dames S.M.S." et de la "Famille légionnaire", est ici représentée le plus largement : accueil de petits citadins sous-alimentés, confection de colis pour les prisonniers de guerre, aide aux mères de famille, maisons de repos, jardins ouvriers et "Marmite légionnaire" témoignent, dans les premiers temps du moins, d'un idéal civique et d'un esprit d'entraide incontestables, même s'ils sont assez tapageurs et non dénués de préoccupations militantes.
Ainsi, malgré la relative inégalité de ses composantes, le fonds de la Légion de la Haute-Savoie est une source d'un grand intérêt pour l'histoire de ce département durant la période qui va de l'automne de 1940 au printemps de 1944, spécialement en ce qui concerne l'étude politico-sociale d'une fraction longtemps majoritaire de l'opinion publique, assez exactement reflétée dans des dossiers de correspondance nombreux et fournis, et qui ne paraissent pas avoir été expurgés.
Présentation du producteur : La Légion française des combattants a été créée par la loi du 29 août 1940, pour unifier, sur le plan social et civique, les diverses organisations d'anciens combattants, et secondairement pour maintenir l'esprit militaire chez les soldats désarmés par l'Armistice (d'où son interdiction presque immédiate par les autorités d'occupation allemandes en zone nord).
Sur le plan de l'infrastructure administrative, on indiquera que l'Union départementale de la Légion était placée sous l'autorité d'un chef départemental, lequel avait aussi le titre de président et la qualité personnelle de conseiller national.
Celui-ci était assisté d'un sous-chef départemental, vice-président, qui prit plus tard le titre de "secrétaire départemental et chef départemental adjoint", ainsi que (au moins dans les débuts), d'un chef départemental des Amis de la Légion, Dans la première partie de la période (1940-1942), l'organisation centrale à Annecy avait tout à fait les allures d'une administration d'État, fonctionnant parallèlement à l'administration préfectorale demeurée en place, et comprenant :
- un cabinet, chargé du personnel administratif, du courrier, des affaires confidentielles et de la coordination des services ;
- un secrétariat général, ayant principalement dans ses attributions la gestion des chefs et sous-chefs communaux et de l'ensemble de la "population légionnaire" du département ;
- un service d'administration générale, chargé notamment de la tenue des fichiers et des relations avec les pouvoirs publics ;
- un service, de la trésorerie ;
- un service de la propagande ;
- un service de l'action sociale ;
- un service de la presse ;
- un service des corporations.
Aux services administratifs s'ajoutaient un conseil de vingt membres, doté de prérogatives purement consultatives, et un tribunal d'honneur (avec un président, quatre membres titulaires et quatre suppléants), dont le rôle consistait à proposer les admissions et les radiations des légionnaires.
Vers la fin de 1942, les bureaux furent réorganisés en sept divisions et cet agencement subsista, dans ses grandes lignes, jusqu'en août 1944 : 1re Division (Propagande), 2e Division (Prisonniers de guerre), 3e Division (Jeunesse, sous la direction du chef départemental de la "Jeune Légion"), 4e Division (Services civiques et activités spécialisées), 5e Division (Service d'ordre, sous l'autorité du Chef départemental S.O.L.), 6e Division (Services sociaux), 7e Division (Administration, comptabilité et trésorerie).
En outre, tandis que le tribunal d'honneur était maintenu, un directoire départemental de type collégial était mis en place, composé d'un conseil départemental nettement étoffé (une cinquantaine de membres, dont les trente chefs cantonaux désignés d'office), d'un conseil d'administration de cinq membres, d'un comité civique et d'un comité social de chacun huit membres.
Après avoir fonctionné quelque temps 12, rue du Lac à Annecy, le siège de l'Union départementale fut transféré dans un immeuble 21-23 rue Vaugelas, aujourd'hui disparu.
On sait que le S.O.L., dont la création par Joseph Darnand à l'automne de 1941 entraîna la démission (d'ailleurs temporaire) de François Valentin, directeur de la Légion à Vichy, et dont les membres devaient jurer de "lutter contre la démocratie, la dissidence gaulliste et la lèpre juive", fut transformé en Milice française, sorte de police supplétive imitée des S.S. allemands, par la loi du 30 janvier 1943, sous le gouvernement de Pierre Laval.
Historique de la conservation : Les archives de l'Union départementale de la Légion française des combattants, qui font l'objet du présent répertoire, ont été saisies au siège de cette organisation, rue Vaugelas à Annecy, le jour même de la Libération de la ville, le 19 août 1944, et immédiatement placées sous séquestre. Elles ont été versées aux Archives départementales par l'administration des Domaines le 12 octobre suivant.
Il est probable qu'un certain nombre de pièces importantes ont disparu du fonds primitif, soit au cours même de la saisie (un incendie, d'ailleurs rapidement maîtrisé, avait été allumé au rez-de-chaussée de l'immeuble), soit dans les jours ou les semaines qui ont précédé la Libération. En effet, il est significatif que certaines catégories de papiers que l'on pourrait qualifier de "compromettants" ne figurent pas parmi les archives déposées. Il en est ainsi du fichier politique des communes (dont on pourra voir un formulaire-type dans 23 J 48), lequel recensait avec soin, non seulement les membres des municipalités, mais aussi les notables locaux, les fonctionnaires et agents publics, les correspondants de journaux, les coiffeurs, les jeunes, les "principaux amis" et les adversaires supposés, chaque nom étant souligné d'une couleur traduisant l'attitude politique à l'égard du régime de Vichy : bleu pour les éléments "loyaux", jaune pour les "indifférents"; rouge pour les "opposants". Il en est de même en ce qui concerne les documents du "Service d'ordre légionnaire", émanation para-militaire de la Légion et pépinière de la "Milice française", ici représenté par un seul dossier sans grand intérêt (23 J 67). Pourtant le S.O.L. haut-savoyard, dont Darnand lui-même disait, le 20 mai 1942, qu'il venait "en tête des départements aussi bien par la formation physique et politique de ses hommes que par la foi révolutionnaire de ses chefs", a eu une existence bien réelle et des effectifs nombreux, comme en ont témoigné ses interventions parfois brutales dans les manifestations officielles,ses coups de main, ses défilés ou les manoeuvres de ses "compagnies de marche".